Les dernières paroles d’un père à un fils sont toujours précieusement gardées en tête. C’est peut-être ce qui explique la détermination avec laquelle Cheikh Mouhamadoul Moustapha Al Karim a tenu à construire la grande mosquée de Touba. D’après certains écrits, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké mettait en garde sa famille à propos de la mosquée de Touba en ces termes : «vous qui êtes miens, si vous ne réalisez pas ma mosquée à Touba, Dieu enverra des créatures sur terre qui la construiront». Par conséquent, après le décès du Cheikh, le nouveau khalife, alors âgé de moins de 42 ans, concentra toute sa force et son énergie à la construction de la mosquée de Touba qui avait vu, dès 1926, son autorisation retirée par l’administration coloniale. Avec détermination, Serigne Modou Moustapha Mbacké va obtenir une autorisation de construire. Ce, après plusieurs tractations et suite au procès en France contre Tallerie. La nouvelle demande d’autorisation est écrite par Ibra Fall Bourry (en francais).
De la construction du chemin de fer à la Mosquée de Touba
Après avoir reçu l’autorisation de construire la mosquée, Cheikh Moustapha a pris langue avec une vieille connaissance, en l’occurrence un traitant français du nom de M. Lalane, qui a amené à Diourbel des ingénieurs français qui esquissaient une étude de faisabilité et exprimaient des besoins concernant les pierres et autres matières premières à rechercher loin de Diourbel. La poursuite de cette étude aboutit finalement à l’expression du besoin d’un chemin de fer qui partira de Diourbel à Touba, pour conduire divers matériaux à Touba. Déterminé à débuter la construction de la mosquée, le marabout accepte toutes les conditions des Blancs. La construction du chemin de fer, pour acheminer le matériel à Touba, est entamé. Les travaux débutent, d’après Ibrahima Fall Madior, le 11 novembre 1929, devant le directeur du chemin de fer, M. Chardi, établi à Thiès, et prennent fin en février 1931. La construction de la grande mosquée peut alors démarrer. Cheikh Moustapha travaillera sur ce chantier sans répit et sans arrêt du 04 mars 1932 en septembre 1939, lors de l’appel officiel de la Deuxième guerre mondiale. Au moment de l’arrêt, la mosquée avait déjà les quatre façades achevées, la terrasse était prête et les ossatures des quatre minarets étaient entamées. Certaines avaient une partie déjà coulée, d’autres étaient en fer dressé.
Foi inébranlable et culte du travail en bandoulière
Du côté matériel, les pierres de Ndock étaient en quantité suffisante, près de la mosquée, ainsi que le ciment et le fer, et une importante somme d’argent était épargnée à la banque. Que de contraintes dans ce projet de construction de la grande mosquée de Touba. Mais il n’a jamais baissé les bras. Au contraire, à chque fois qu’il rencontrait un obstacle, cela lui donnait encore plus de détermination à réaliser ce voeu de son père. Au finish, le Toubab avait la certitude que rien ne pouvait arrêter la marche de Cheikh Mouhamadou Moustapha et des mourides soudés derrière lui vers l’édification de cette mosquée qui comptait plus que tout pour eux. Et d’après les écrits, le matériel de construction du chemin de fer tout comme celui de la mosquée était fourni intégralement par les industriels français, le riz et l’huile qui nourrissaient la main d’œuvre, le sucre et le café étaient commandés en France. L’entrée en guerre de la France en 1939 qui a débouché sur la mobilisation au Sénégal n’a rien changé dans les projets du nouveau khalife. La mobilisation des hommes valides pour aller libérer la France sous occupation coûtera au Sénégal un lourd tribut. Par exemple, Serigne Fallou Fall, fils de Mame Cheikh Ibra Fall et tant d’autres ne reviendront pas de cette guerre. Tous morts au front. L’argent réclamé par les Blancs est rapidement collecté. Pour la main d’oeuvre, d’autres Cheikhs ont envoyé leurs hommes. Le tout dans une harmonie et le respect de la dignité humaine.
Transfert des restes de Khadimou Rassoul à Touba
L’autre acte majeur posé par le 1er khalife de Serigne Touba a été le transfert de la dépouille mortelle de son père. À ce propos, les écrits racontent aussi que son père lui avait dit : «dès que ma vie cessera sur terre, par la volonté de Dieu, ramenez-moi à Touba sans coup férir». Et d’ajouter : «si vous réalisez ces désirs-là, tout ce que vous entamerez dans le futur comme projet, je le réaliserai moi-même». En visionnaire, il s’était imaginé ce qui se serait passé si jamais sa dépouille était acheminée à Paris, à Marseille ou en Corse. On serait en train de parler du grand Magal de Corse, de Paris ou de Marseille. C’est ainsi que pour retourner Serigne Touba à sa dernière demeure, en 1927, Serigne Mouhamadou Moustapha, fils aîné et principal concerné, a pris sur lui la responsabilité d’agir sans consulter personne. Le commandant-résident de Diourbel, Edmond Pall, a été piégé par Serigne Modou qui l’invita dans la concession du Cheikh à Diourbel et lui montra l’important dépôt d’argent qui y était. Cheikh Moustapha l’informa également, cette nuit de mardi, du décès de Serigne Touba et lui demanda d’évacuer tout cet argent à sa résidence avant que les mourides ne soient au courant de la mauvaise nouvelle et mettent la concession sans dessus-dessous. Edmond Pall informera son supérieur de Kaolack qui rappliqua dare-dare. Ensemble, ils s’évertuèrent à comptabiliser tout cet argent, à faire les scellés et à dresser un procès-verbal.
Nessun commento:
Posta un commento